Chez les voisins du dessus - 2023

 


Mardi 18 juillet,  à peu près comme chaque année, on part en vacances, à la différence qu’aujourd’hui le départ se fait en voiture. En effet cet été on va commencer notre itinéraire du nord de la France. L’objectif étant de relier Bray-Dunes (commune limitrophe de la Belgique) à Amsterdam (capitale bicyclétique des Pays-Bas).

Chargement donc de la voiture, toutes les sacoches dans le coffre, deux vélos sur le toit, deux vélos à l’arrière, et… C’est à ce moment là que je m’aperçois que la roue avant de Solène est crevée. Tant pis, on charge, je réparerai en arrivant, après 7 heures de route. La route fut longue, vraiment, elle nous donne l’impression de ne jamais arriver, et pourtant on y arrive enfin, ouf. Premier montage de tente de l’été et on s’en va goûter la gastronomie Ch’ti, à base de longs bâtonnets de patates délicatement appelés : « frites ». Dîner face à la mer, coucher de soleil, une très bonne manière de débuter un voyage.




Allez, au lit, demain vont commencer les premiers tours de roues en direction de la Belgique, il va falloir être en forme.

« Oh mer**, j’ai pas réparé le vélo de Solène ! »

Et me voilà à 22 heures, nuit tombée, genoux dans l’herbe, lampe frontale autour du crâne à démonter un pneu pour changer la chambre à air. Et par la même occasion rechercher la fuite et y coller une rustine. En cas de re-crevaison, ça nous permettra de faire l’opération inverse.



Allez, au lit, demain on change de pays, le voyage commence pour de vrai !

Pliage de la tente, empilage des sacoches sur les vélos et… oh là ! C’est lourd, on a perdu l’habitude ! Allez, maintenant plein nord, à la force des mollets et des cuissots. Après seulement 2Km nous passons la frontière Belge presque sans s’en apercevoir. Ça y’est, on est ailleurs. Les gens parlent de moins en moins français, les pistes cyclables sont de plus en plus larges et les kilomètres défilent sans fournir trop d’efforts au grand plaisir des enfants ; Ça roule tout seul. Clément s’amuse à rouler seul devant, Solène lui emboîte le pas (ou les roues) puis le double, il essaye de s’accrocher pour repasser devant sa soeur, mais non, les plus grandes roues de Solène et la fierté d’être devant son petit frère lui donne des ailes. Les deux s’amusent et ça fait plaisir. 


Nous roulons détendus jusqu’au camping. Un camping gigantesque, presqu’une mini-ville avec 3 espaces jeux, un circuit de VTT au milieu, et près de 950 emplacements (camping-cars et caravanes) et tout au fond un espace réservé aux tentes, à 600 mètres des sanitaires… En cas d’urgence faudra courir vite (ou faire dans la haie). Piscine pour les enfants, pâtes bolognaise, douches et au lit, une belle première journée qui s’achève.


Entre Nieuwpoort et Bredene nous allons découvrir l’utilisation des pistes cyclables, et c’est bien différent de ce à quoi on est habitué en France. Ici le cycliste est prioritaire et il le sait, si bien que les traversées de rue se font à l’aveuglette : de toutes façons les voitures s’arrêtent. Ça demande une certaine confiance qui n’est pas évidente pour nous. Et quand on veut faire une pause (ouverture/fermeture de veste, ou boisson) mieux vaut se tasser sur le côté sous peine d’entendre les locaux râler ! Ici les voies cyclables sont faites pour rouler, pas pour flâner. Les pistes elles-mêmes sont très belles, bien goudronnées (en rouge), très rectilignes (trop…) et donc très roulantes, autant dans les villes que le long des routes secondaires ce qui finit par être monotone. En revanche la traversée de la ville d’Ostende sera un grand moment de tension. Beaucoup de bruit (voitures, camions,…) Et peu habitués aux habitudes de circulation nous serons constamment sur nos gardes avec parfois la désagréable impression de « gêner » les habitués. On abrégera la journée de vélo un peu plus tôt que prévu, fatigués et surtout saoulés par la Ville.

21 juillet, nous partons avec le sourire en sachant qu’aujourd’hui on va longer le front de mer. Rouler le nez au vent marin et profiter du paysage. C’était l'idée que l'on avait en débutant cette journée, mais, même si la piste suit effectivement la côte, entre nous et la dune (puis la mer) se dresse des barres d’immeubles. De vraies barres de 10 étages pendant plusieurs kilomètres, pour le paysage on repassera… A ce paysage urbain et moche au possible succède ô magie une nouvelle piste cyclable coincé entre un talus et des poids-lourds garés sur le côté de la route en attente de chargement ou de déchargement. Nous arrivons dans une zone portuaire où le glamour et la poésie sont visiblement restés dans la cale. Après le port de commerce, place (enfin ! ) à la côte touristique, la vraie. Une longue plage, une ambiance estivale, des touristes partout…

« Et si on faisait une pause glace ?

- ouaiiii ! »

Du soleil, des glaces, la plage, un long remblais très large, des vacanciers qui flânent, à pied ou en vélo, on se détend, c’est chouette. 

La voie cyclable se déroule alternant briques rouges et dalles de béton, les lignes droites succédants à d’autres lignes droites. Je pense que c’est l’image qui va me rester de la Belgique : Les lignes droites.

Le prochain village dans lequel nous arrivons s’appelle Retranchement… Ça ne fait pas rêver mais c’est ici que nous entrons au Pays-Bas. Nous longeons un canal qui nous emmène jusqu’au camping, ouf. Solène est à bout de fatigue, il était temps qu’on s’arrête… Jusqu’à ce que la personne à l’accueil nous annonce le tarif pour la nuit : 72 €. 4 personnes, sous tente dans un camping sans piscine, 72€…

« Les enfants ? En fait on n’est pas arrivés, on va aller voir ailleurs. »

Remotiver Solène a été dur. Je prends en charge sa sacoche (la plus importante, c’est le repas du soir) pour pédaler le kilomètre qui nous sépare d’un autre camping. Ce sera celui-là : presque 2 fois moins cher et équipé d’une longue tyrolienne et d’un champs de moutons pour la joie des enfants. Malgré tout on ne traîne pas, montage de la tente, douches, repas chaud et dodo. D'ailleurs je n'avais jamais vu des douches de camping autant adaptés pour les enfants, des lavabos à différentes hauteurs et des douches surélevées pour que les parents ne se cassent pas le dos en lavant leurs loupiots, le top.



Ce 4ème jour nous réserve une vraie belle balade. La piste serpente entre les dunes. Très plaisant à rouler, on pédale sans efforts, les enfants prennent du plaisir et nous aussi. Nous arrivons devant l’embarcadère. Le temps de prendre les billets et le ferry nous avale pour rejoindre Vlissingen. Un moment sympa qui permet de voir l’espace réservé aux vélos, et c’est impressionnant ! De quoi charger au bas mot 200 vélos, bien rangés et bien sanglés, top ! 

25/30 minutes de traversée en croisant des cargos et autres navires marchands. On débarque et traversons la ville calmement pour rejoindre la camping. Mais avant toute chose il faut trouver un magasin et faire les courses pour ce soir, demain matin, demain midi et demain soir. Demain c’est dimanche et tout sera fermé, pour de vrai.

Jour d’offices religieux, un dimanche aux Pays-Bas est extrêmement calme, absolument rien n’est ouvert, à l’exception des stations de carburants, ce qui ne nous sert à rien. Toute la nuit, on aura entendu la pluie tomber. Tout le panel disponible dans le ciel nous est tombé dessus : de la fine, de la grosse, de la venteuse, celle qui tombe à l’horizontale et même celle qui semble ne jamais tomber tant elle refuse de s’arrêter. Pliage de la tente (mouillée donc…) et c’est partie pour grosso-modo 25 kilomètres. Le matin nous roulons le long d’une route nationale (l’équivalent de chez nous), bien séparée des véhicules à moteur, une belle voie sécurisée..; Tellement sécurisée que Solène se prend rapidement à flâner et percute un panneau routier (pourtant bien visible, avec des zébra rouges et blancs). Première chute du voyage et l’empreinte du levier de frein gravée Ad Vitam Aeternam dans ce panneau.


On est arrivé sur cette ile par un bateau nous allons en sortir par un pont. Trois ponts en réalité pour près de 6 kilomètres au milieu de l’eau avec les vents, les embruns, et les éclats de rire chaque fois qu’une rafale de vent nous pousse à rouler penché ; comme en virage, mais en ligne droite !


Après le passage du barrage, on tourne à gauche en direction du camping. Vent de face (et toujours ces maudites rafales) pour le dernier kilomètre. Le casque d’Émilie est poussé en arrière, les langues de sable sont des pièges que nous connaissons et pourtant je me fais avoir. Ma roue avant se dérobe et je me rattrape in extremis. Nous nous arrêtons au camping de Duinmoort An Zee, un peu au hasard mais qui sera finalement un bon choix pour les enfants. Les chèvres, poules, lapins n’y seront pas pour rien.

Réveil sous le soleil Néerlandais (planqué derrière les nuages), et nous partons en direction de Ouddorp sur l’île de Goeree-Overflakee. L’étape du jour se fait moitié sur terre, moitié sur mer ou pour être plus juste : sur terre à - 6 mètres d’altitude, et sur une digue à + 10 mètres. Je pense que c’est la journée avec le plus de dénivelé depuis le départ. Jusqu’ici nous avons eu de la chance puisque chaque passage à travers la mer s’est fait avec le vent dans le dos. Et vu sa puissance et ses rafales, c’est un avantage ! Rouler à 18 km/h sans pédaler n’est pas si courant que ça, et les Kite-surf s’en donnent à coeur joie. En remettant pied à terre (pause pipi) nous voyons face à nous un ciel noir et peu rassurant ; Et ces nuages vont aller bien plus vite que nous. Une averse incroyable nous tombe dessus, comme on dit : la mer et ses poissons, mais aussi les algues, les crabes, les homards, tout ! En l’espace de 20 minutes on est trempés de la tête aux pieds, complètement rincés. Premier camping, on s’abrite en urgence dans les sanitaires en attendant l’accalmie avant de se présenter au gérant qui nous accueille hilare : « It’s Dutch weather ! » Il offrira du pop-corn aux enfants et un jeton de sèche-linge pour nos vêtements. On a dû lui faire pitié.

D’autres en revanche à qui l’on n’a pas fait pitié ce sont les enfants du camping. Ceux de nos voisins. Ils sont tranquillement venus nous voir pendant qu’on mangeait pour nous vendre des bracelets. Du fait maison certes, mais quand même. On leur aura fait plaisir (et aux nôtres aussi) en en achetant deux. Elles sont reparties contentes et on a pu finir de manger.

En quittant le camping, le propriétaire nous annonce que les prévisions météo ne sont pas bonnes. 90% de pluie pour les 4 jours qui viennent. Par la même occasion il offre des boissons et des sucettes aux enfants, certainement une manière de leur souhaiter du courage pour suivre des parents comme nous.

Journée de pédalage plutôt calme en direction du barrage de Shellendam avec un vent de coté, parfois de face. En vérifiant l’altimètre après une montée plus dure que les autres (mais ça reste laaargement faisable), nous avons atteint le point culminant de notre voyage, 14 mètres.

Traversée de la ville de Hellevoetsluis, puis succession de lignes droites et de virages à 90° jusqu’au camping, perdu au milieu d’un paysage plat. Mais vraiment, des champs de patates à perte de vue… En compensation, on aura trouver une pépite avec ce camping. Un jardin/potager en libre service, un prunier sur notre emplacement (mmmh, ces prunes !), des groseilliers (pour le plus grand plaisir de Clément), et des gérants heureusement très sympa. C’est en effet ce soir là que notre cartouche de gaz a poussé son dernier souffle… On venait de mettre les pâtes dans l’eau. Mais le Monsieur et la Dame du camping nous ont prêtés une plaque de cuisson, ouf on va manger des pâtes cuites. La sauce bolognaise aux pâtes crues n’aurait pas eu un succès fou auprès de nos deux loupiots.

Nous quitterons donc ce camping avec une pointe de regret, mais avec une bonne réserve de prunes et de groseilles pour la journée de route, mioum !

Direction Spijkenisse pour la pause déjeuner après un stop au magasin Jumbo (enseigne très répandue aux Pays-Bas) où en ressortant nous avons la surprise de découvrir un ours en peluche dans le casque d’Émilie. Les enfants sont heureux et remotivés pour l’après-midi. Avec cet ours on a eu une petite carte nous expliquant (en Néerlandais) que cet ours était un cadeau dans le seul but de donner le sourire aux gens. Et en effet, en fouillant sur internet il s’avère qu’il y a des dizaines de petits cadeaux qui sont déposés un peu au hasard, et nous, nous avons hérité de cet ours baptisé Jumb’ours en souvenir de ce parking de supermarché.



Dernier bout de trajet pour aujourd’hui vers Rotterdam, emblématique port de commerce international. Et ben c’est par là qu’on arrive : Le terminal Petrolier. 

Nous traversons un bras du delta via le Benelux Fiets Tunnel, spécialement conçu pour les vélos qui nous emmène sur la zone portuaire. Nous passons entre les espaces de stockage, les empilements de containers et les bretelles d’autoroutes. Le changement de paysage est radical. Hier, les champs de patates, aujourd’hui le summum de l’industrialisation internationale.



Ici l’organisation des pistes cyclable est particulièrement bien pensée, elle fonctionne de la même façon que les échangeurs autoroutiers : On a juste à suivre les panneaux. C’est pratique pour les déplacements, mais assez loin de ce que l’on recherche pour rouler « en touriste ». C’est d’ailleurs la réflexion que l’on s’est faite en approchant de la fin de ce voyage aux Pays-Bas : On a croisé énormément de vélo, à 95% électrique, mais finalement assez peu de voyageurs à vélo. Ici le vélo est un moyen de déplacement quotidien, au même titre que la voiture, mais pas un moyen de flâner et de s’évader ou de voyager.

Après l’installation de la tente nous décidons de laisser nos destriers au repos (et nos fesses aussi par la même occasion), et rejoignons le centre ville de Rotterdam en bus. Ici pas de ticket, on paye directement avec sa carte bancaire de la même façon que si on validait une carte d’abonnement : un bip en entrant, un autre en sortant. On saura combien coûte le ticket en regardant le relevé de compte. Dîner dans un fast-food à défaut d’avoir trouvé un vrai restaurant clairement désigné et retour au camping pour notre dernière nuit chez nos voisins du nord. En effet depuis 5/6 jours nous avons 3 matelas sur 4 qui se dégonflent, et que l’on regonfle plusieurs fois par nuit (chaque fois qu’on est réveillé en touchant le sol…). De plus, les prévisions météo maussades voire pourries ne nous encouragent pas à continuer plus loin. 



Après une nuit de pluie interrompue par quelques averses nous retardons notre départ avec l’espoir de plier la tente avec une éclaircie… Et ben non, rangement et chargement des vélos sous la pluie. Nous roulons les 2 kilomètres qui nous séparent de la gare centrale et arrivons pour midi dans le hall. Le temps de faire le tour des deux boutiques de souvenirs et nous réservons nos billets de train. Départ de Rotterdam pour Anvers avec un changement à Rosendaal, changement de train et re-départ en direction de DePanne où il nous restera 6 kilomètres à faire jusqu’à la voiture. Jusqu’ici et assez souvent on a dit que les trains français étaient mal pensés et peu pratique pour les vélos. Et ben au Pays-Bas (pourtant pays de vélo) et en Belgique, c’est pareil, voire pire ! Les wagons sont très hauts : 4 marches pour y grimper, et avec les vélos chargés c’est vite pénible. Mais une fois dedans on est bien et pour cause, il n'y a personne.


Décharger les sacoches, monter le vélo, monter les sacoches, vérifier que tout est à l’intérieur, ne pas oublier les enfants sur le quai ; Et renouveler l’opération trois fois, à chaque changement. L’arrivée à DePanne aura été assez amusante tellement ça nous aura semblé être une caméra cachée. Gare terminus, on peut donc prendre notre temps. Alors non seulement le train était haut (4 marches) mais en plus le quai était très bas ! Entre le quai et le sol du wagon : 1 mètre 10, au bas mot. Heureusement nous sommes valides, parce-que ce même wagon était aussi dédié aux personnes à mobilité réduite (les fauteuils roulant donc…). Pour eux la montée et surtout la descente doit être sacrément acrobatique !


On retrouvera le confort d’une voiture après avoir subi le vent de face pendant 6 bornes qui nous auront semblé interminables. Mais ça y’est, ce soir dodo à l’hôtel et demain vous retrouvez vos chambres les loulous. Solène aura parfaitement assumé les presque 260 km malgré quelques moments de lassitude et Clément aura roulé entre 5 et 15km par jour (pour un total d’une cinquantaine) tout seul, comme un grand et à bon rythme vu la taille de son vélo. Encore une fois ils nous auront surpris par leur pugnacité dans ce voyage, mais toujours avec une capacité d’adaptation incroyable.